Demain Le Grand Soir
NI DIEU, NI MAITRE, NI CHARLIE !

Le Site de Demain le Grand Soir est issu de l’émission hebdomadaire sur "Radio Béton", qui fut par le passé d’informations et de débats libertaires. L’émission s’étant désormais autonomisée (inféodé à un attelage populiste UCL37 (tendance beaufs-misogynes-virilistes-alcooliques)/gilets jaunes/sociaux-démocrates ) et, malgré la demande des anciens adhérent-es de l’association, a conservé et usurpé le nom DLGS. Heureusement, le site continue son chemin libertaire...

Le site a été attaqué et détruit par des pirates les 29 et 30 septembre 2014 au lendemain de la publication de l’avis de dissolution du groupe fasciste "Vox Populi".

Il renaît ce mardi 27 octobre 2014 de ses cendres.

" En devenant anarchistes, nous déclarons la guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d’exploitation, de dépravation, de vice, d’inégalité en un mot - qu’elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons la guerre à leur manière d’agir, à leur manière de penser. Le gouverné, le trompé, l’exploité, et ainsi de suite, blessent avant tout nos sentiments d’égalité.
(....)Une fois que tu auras vu une iniquité et que tu l’auras comprise - une iniquité dans la vie, un mensonge dans la science, ou une souffrance imposée par un autre -, révolte-toi contre l’iniquité, contre le mensonge et l’injustice. Lutte ! La lutte c’est la vie d’autant plus intense que la lutte sera plus vive. Et alors tu auras vécu, et pour quelques heures de cette vie tu ne donneras pas des années de végétation dans la pourriture du marais. "

Piotr Kropotkine -

Il paraît que je ne suis plus de gauche !
Article mis en ligne le 3 janvier 2024
dernière modification le 27 novembre 2023

par siksatnam

Foutredieu, me voilà excommunié ! Chassé de la vieille maison dans laquelle je n’avais pourtant jamais prétendu entrer (pas plus que dans celles d’en face, soit dit en passant). Couvert des insultes les plus humiliantes, des stigmates les plus méprisés, des anathèmes les plus honnis : je suis « réac ! », « facho ! », « droitard ! »…

Qui me voue ainsi aux gémonies ? qui m’inflige ainsi la pire meurtrissure qui soit ? qui m’ostracise ainsi ? qui m’exile ainsi du Camp du Bien©, par un jugement sans appel ?
Mais tous les Saint-Torquemada-de-la-vraie-gauche, tous les grands prêtres de la moraline, voyons !
Pourquoi ?

Parce que je pense que le racisme est l’une des faiblesses humaines les mieux partagées au monde, tout homme, quelle que soit la couleur de sa peau, étant capable d’en haïr d’autres en raison de la leur ; et que, par conséquent, je combats tous les racismes sans considération préalable pour l’épiderme de ceux qui les professent.

Parce que je refuse de séparer le genre humain entre des coupables par naissance et des victimes par essence, et que je ne demande pas à des individus de se repentir de crimes qu’ils n’ont pas commis auprès d’autres qui ne les ont pas subis.

Parce que je suis incapable de paternalisme néocolonial envers les minorités, cette bonne conscience qui construit de toutes pièces la figure expiatoire des nouveaux damnés de la Terre et juge avec une condescendance recuite tout « racisé » (terme ignoble qui révèle le racisme de celui qui l’emploie) incapable lui-même de racisme ni de quelque forfait, forcément victime, jamais coupable.

Parce que je ne classe pas les hommes en fonction de leur taux de mélanine.

Parce que je préfère Clemenceau à Gobineau.

Parce que je n’instrumentalise pas les autres au service de mes intérêts, que je ne les prends pas pour des marionnettes qui pourraient répéter dans un psittacisme mécanique les phrases toutes faites de mon idéologie.

Parce que je ne tolère pas que l’on traite de « nègre de maison », de « bounty » et autres noms d’oiseau racistes ceux qui refusent de penser en fonction de la « race » qu’on leur assigne.

Parce que je ne renvoie pas l’autre, allié ou adversaire, ami ou ennemi, à sa couleur de peau, à son genre, à l’objet de ses désirs érotiques… le résumant à une dimension unique, à une identité monolithique que je lui assignerais de force comme on pose des étiquettes sur des bocaux de confiture.

Parce que j’aime les nuances et les subtilités dans les rapports humains.

Parce que je prends les individus au sérieux, que je les considère tous égaux en dignité.

Parce que je choisis l’universalisme contre les séparatismes, l’unité de la nation comme volonté politique commune contre les guerres de tranchées entre identités rabougries.

Parce que je n’ai jamais rêvé d’importer en France le modèle américain avec ses guerres des gangs et sa lutte des races.

Parce que l’antisémitisme m’est odieux, que je ne participerais à aucune manifestation où l’on gueulerait « mort aux juifs », que je n’inviterais aucun antisémite à un événement que j’organiserais, fût-il chef d’un parti allié ou provocateur médiatique professionnel.

Parce que je poursuis la longue tradition des bouffeurs de curés, que les corbeaux portent soutane ou djellaba, calotte ou hidjab, Écr.l’inf.

Parce que j’abhorre tous les puritanismes, que je fuis les prêtres ascétiques qui placent leurs idéaux de pureté au-dessus de l’imparfaite condition humaine, que j’exècre les inquisiteurs de tous poils et que les ligues de vertu me font horreur.

Parce que l’homophobie et la misogynie me sont insupportables et que le fait qu’elle puissent provenir des branches islamiste ou transactiviste n’est pas une circonstance atténuante – au contraire !

Parce que le voile est pour moi le symbole d’une idéologie misogyne et de l’oppression des femmes, qu’il soit porté à Téhéran ou à Aubervilliers, et que je ne détourne pas les yeux ni ne trouve d’excuse aux voyous et criminels qui pourrissent la vie de leurs quartiers, tout particulièrement celle des filles réduites à l’alternative pute ou voilée.

Parce que je chéris la laïcité et refuse de la trahir ou de la calomnier.

Parce que je n’hésite pas à désigner les complices objectifs des assassins de Charlie, du Bataclan et de Samuel Paty, même s’ils se prétendent de gauche.

Parce que je ne flatte pas les religieux les plus orthodoxes et orthopraxes pour une place, que je ne défends pas les voyous et les caïds pour gagner leurs voix et que je dénoncerai toujours ceux qui dealent des postes avec les dealers de drogue ou se font élire en pactisant avec les mafias criminelles et religieuses.

Parce que, contre l’extension du domaine du caïdat, la seule solution me semble être la reprise en main par la République des territoires que ses représentants ont lâchement abandonnés.

Parce que je ne promeus pas la violence contre la démocratie, les factions contre l’État, ni ne conteste l’ordre républicain.

Parce que dans toute milice, quels que soient ses mots d’ordre et justifications, je sens l’haleine du fascisme.

Parce que, néanmoins, j’évite les comparaisons historiques hasardeuses, que je ne galvaude pas le terme « fascisme », que je ne hurle pas au fasciste dès que quelqu’un n’est pas d’accord avec moi et que je n’utilise pas moi-même des méthodes fascisantes.

Parce que je n’accepte pas que l’on tente d’imposer son idéologie par la force, que l’on intimide ses adversaires, qu’on les menace ou les insulte, ni qu’on disqualifie la parole de l’autre au nom de ce qu’on prétend qu’il serait.

Parce que j’accepte les règles du débat démocratique et ne cherche pas à censurer tous ceux qui ne pensent pas comme moi.

Parce que ni les procès politiques sanglants ni les purges idéologiques ne m’excitent.

Parce que je respecte la majesté, la solennité, le sacré de la loi et des institutions et que je condamne les élus qui ridiculisent la représentation nationale et profanent le Parlement.

Parce que mon attachement viscéral à la Révolution m’impose d’en respecter la complexité historique et d’en rejeter toutes les manipulations et toutes les réductions à une mauvaise caricature façon spectacle hollywoodien ou, pire encore, netflixien.

Parce que je défends la souveraineté nationale et ne sers pas des intérêts étrangers contre ma patrie.

Parce que le peuple n’est pas pour moi un ramassis de beaufs, que je ne lui témoigne aucun mépris de petit-bourgeois snob et que je trouve insupportable sa culpabilisation.

Parce que je me bats contre l’exploitation des plus faibles et des plus pauvres plutôt que de me complaire dans l’affichage moralisant d’une charité-spectacle ou dans les mises en scène prétentieuses de soi sur les réseaux dits sociaux.

Parce que je suis révulsé par les exhibitions obscènes d’une vertu surjouée.

Parce que je préfère les luttes sociales aux divertissements sociétaux, l’amélioration des conditions de vie de tous plutôt que l’octroi clientéliste de passe-droits à quelques-uns.

Parce que je vois bien que la revendication de droits communautaires ne fait que détruire l’universalité de la loi.

Parce que je condamne les exactions du lumpencaïdat contre le prolétariat.

Parce que je vénère la vérité et méprise souverainement les petits tartuffes.

Parce qu’il me reste encore un peu d’honneur et de gravité, contrairement aux clowns spécialisés dans le happening permanent.

Parce que je suis convaincu que la science et la raison sont nos meilleures chances face à la catastrophe climatique et environnementale alors que les obscurantistes dégoulinants de moraline, par leur propagande, leur incompétence et leurs mensonges, même s’ils se prétendent écologistes, ne font que l’aggraver.

Parce que je distingue les progrès scientifique, technique, économique, social et humain et que je ne les sanctifie pas tous en bloc, m’autoproclamant pompeusement « Progressiste », ni ne les rejette tous ensemble de manière tout aussi irréfléchie.

Parce que, malgré ses défauts, je ne hais pas l’homme et ne souhaite pas le voir remonter dans les arbres ou disparaître.

Parce que je ne raille pas les vieux ni n’adule les jeunes.

Parce que je ne vis pas dans une réalité alternative peuplée seulement de Gentils et de Méchants.

Parce que je ne prétends pas incarner le Bien©.

Parce que j’essaie de penser et que j’aime écrire.

Parce que j’ai lu les auteurs auxquels je me réfère et que j’essaie de faire preuve d’honnêteté intellectuelle.

Parce que je promeus les notions d’effort, de travail et de méritocratie – notions éminemment populaires que je n’associe pas à je ne sais quel racisme ou élitisme.

Parce que j’ai encore la faiblesse de croire en une école émancipatrice, institution dont la vocation est d’instruire les élèves.

Parce que, pour moi, l’école demeure le meilleur moyen de s’élever aussi bien intellectuellement que socialement, qu’elle offre aux enfants la plus grande ouverture au monde et la possibilité de se défaire des préjugés et des déterminismes, d’abord et avant tout par la fréquentation des classiques et l’apprentissage de l’usage de la raison.

Parce que je ne comprends pas que l’école ne soit pas un lieu absolument sacré, hermétiquement fermé à toutes les influences de la société.

Parce que j’aime et respecte la culture française, ses symboles, son drapeau, son hymne, son histoire, sa langue, ses auteurs, ses artistes, ses penseurs, ses scientifiques, ses hommes d’État et son peuple ; qu’elle est pour moi le tremplin pour l’universel, et vers les autres cultures.

Parce que je ne peux supporter les diverses censures et réécritures des livres comme de l’histoire, au nom d’idéologies ou de sensibilités pathologiquement écorchées vives.

Parce que je veux préserver, enrichir et transmettre notre culture et notre langue communes, et non les martyriser, les déconstruire ou les faire disparaître dans l’oxymore d’une culture de masse.

Parce que, devant le triomphe de la culture de l’avachissement, je crois encore en la vertu civique et que, à l’empire du moche, j’oppose la beauté.

Parce que je suis écœuré par le narcissisme anticulturel des philistins petits-bourgeois, par les vaines pantomimes qui jouent à vandaliser des œuvres d’art, par les entreprises stupides de « déconstruction » militante et idéologique de la langue.

Parce que me sont odieuses toutes les destructions volontaires des liens avec le passé qui, de ce fait, dissolvent le sens de la communauté humaine.

Parce que je conçois la culture comme le moyen de conserver vivant le souvenir des défunts, comme le lien continu entre les morts, les vivants et les à-naître, comme ce qui nous permet d’édifier et d’habiter un monde commun.

Je ne suis donc plus « de gauche ». Soit. Mais alors la gauche elle-même n’est plus de gauche et ce qui en a pris la place a une bien sale gueule.

Cincinnatus, 4 septembre 2023